viernes, 26 de noviembre de 2010

Las flores del mal

Estoy segura de que hay algunas personas que se van a sentir gratamente identificadas con este magnífico poema de Baudelaire:





Au Lecteur

La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brondé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;

C'est l'Ennui!—l'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
—Hypocrite lecteur,—mon semblable,—mon frère!




To the Reader

Folly, depravity, greed, mortal sin
Invade our souls and rack our flesh; we feed
Our gentle guilt, gracious regrets, that breed
Like vermin glutting on foul beggars' skin.

Our sins are stubborn; our repentance, faint.
We take a handsome price for our confession,
Happy once more to wallow in transgression,
Thinking vile tears will cleanse us of all taint.

On evil's cushion poised, His Majesty,
Satan Thrice-Great, lulls our charmed soul, until
He turns to vapor what was once our will:
Rich ore, transmuted by his alchemy.

He holds the strings that move us, limb by limb!
We yield, enthralled, to things repugnant, base;
Each day, towards Hell, with slow, unhurried pace,
We sink, uncowed, through shadows, stinking, grim.

Like some lewd rake with his old worn-out whore,
Nibbling her suffering teats, we seize our sly
delight, that, like an orange—withered, dry—
We squeeze and press for juice that is no more.

Our brains teem with a race of Fiends, who frolic
thick as a million gut-worms; with each breath,
Our lungs drink deep, suck down a stream of Death—
Dim-lit—to low-moaned whimpers melancholic.

If poison, fire, blade, rape do not succeed
In sewing on that dull embroidery
Of our pathetic lives their artistry,
It's that our soul, alas, shrinks from the deed.

And yet, among the beasts and creatures all—
Panther, snake, scorpion, jackal, ape, hound, hawk—
Monsters that crawl, and shriek, and grunt, and squawk,
In our vice-filled menagerie's caterwaul,

One worse is there, fit to heap scorn upon—
More ugly, rank! Though noiseless, calm and still,
yet would he turn the earth to scraps and swill,
swallow it whole in one great, gaping yawn:

Ennui! That monster frail!—With eye wherein
A chance tear gleams, he dreams of gibbets, while
Smoking his hookah, with a dainty smile. . .
—You know him, reader,—hypocrite,—my twin!


Charles Baudelaire

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